top of page
Photo du rédacteurLea Della Volta

A travers Israel, c’est l’Occident que l’on veut atteindre

Dernière mise à jour : 20 déc. 2023



le détroit de Bab al Mandeb
Dans le détroit de Bab al Mandeb ce ne sont pas de simples escarmouches, mais cela s’inscrit dans une stratégie qui a été mûrement réfléchie. Depuis plusieurs semaines, un nouveau front, maritime, cette fois, vient de s’ouvrir dans la zone de la Mer rouge. Les Houthis, affidés de l’Iran, s’en prennent aux navires marchands des pays européens, les obligeant à changer de routes et d’entreprendre la circumnavigation de l’Afrique.

Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a condamné les attaques des Houthis du Yémen contre la navigation internationale en mer Rouge, affirmant qu'elles constituaient une « menace » pour le commerce mondial.

 

La guerre en Ukraine, les pogroms contre la population israélienne et désormais les attaques des houthis, sur le détroit de Bal al Mandeb, sont autant de scenarii mûrement réfléchis et destiné à combattre l’Occident sans avoir à lui faire face en raison de sa supériorité militaire, des guerres hybrides qui s’apparentent à des guérillas, et qui posent un problème à toute armée régulière.

Mais de quoi s’agit-il ? Depuis de nombreux mois, les dirigeants des pays anciennement non- alignés et que l’on appelle communément le Sud global se rencontrent pour ce que les médias présentent comme de simples échanges logistiques. La réalité semble tout autre et ce qui est visé, c’est l’affaiblissement de l’Amérique et de ses alliés, que l’on veut entraîner dans des conflits régionaux.


Les attaques dans la zone de Bab al Mandeb risquent à court terme de créer un marasme économique sans précédent. Les porte-conteneurs en provenance d’Extrême-Orient devront désormais emprunter une route 40 % plus longue en passant par l’Afrique et le cap de Bonne- Espérance, ce qui allongera le délai d’expédition des marchandises de deux à quatre semaines et augmentera les coûts par navire de près d’un million de dollars. Les coûts qui en résultent augmenteront le prix des marchandises pour les importateurs et seront répercutés sur les consommateurs sous la forme de prix plus élevés. Il en va de même pour Israël, dont les marchandises qui approvisionnent le pays, transitent par le Canal de Suez. Quant à l’Egypte qui perçoit des royalties sur chaque navire qui franchit Bab al Mandel, cela constitue une perte financière énorme. Aussi, le 18 décembre, Rouge visant à contrer les « attaques irresponsables » des rebelles houthis du Yémen sur le trafic maritime, Lloyd Austin en visite en Israël a annoncé la création d’une coalition internationale comprenant dix pays, dont la France, le Royaume-Uni, le Bahreïn, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne et les Seychelles. Il a également appelé l'Iran à cesser son « soutien » aux opérations des houthis contre les navires commerciaux.

C’est sans doute oublier que la stratégie de l’Iran est d’affaiblir son ennemi, non pas en l’affrontant, mais en jouant la mouche du coche, ce qui peut s’avérer beaucoup plus profitable sur le long terme. l’Iran a d’autres alliés qui attendent le moment propice pour agir et pour qui la non-réaction éventuelle de l’Occident pourrait être une incitation à passer à l’action dans d’autres parties du monde.

  

Instaurer un nouvel  ordre mondial
 

C’est un géographe du 19 e siècle que l’Europe et le monde occidental semblent avoir oublié.

Il a pourtant dans un article intitulé The Geographical Pivot of History 1 , dans lequel il trace la théorie du Heartland et le scénario que le monde est en train de vivre.

Pour Mackinder qui élaborait sa théorie en 1904 au moment où l’Empire britannique est à son apogée, mais où la Russie tsariste, souhaitait accéder aux mers chaudes, et rivalisait au Moyen-Orient et en Perse, avec les Britanniques. Il compare le monde à un océan mondial où se trouve l'Île Monde qui se compose de l'Asie, de l'Europe et de l'Afrique. Celle-ci est entourée de grandes îles : l'Amérique, l'Australie, le Japon et les Îles britanniques. Celui qui contrôle le pivot mondial ou Eurasie commande l'Île Monde ; celui qui tient l'Île Monde tient

le monde. C’est ce que Vladimir Poutine a parfaitement intégré.

Cet Heartland qui correspond à l’Eurasie est une notion dont le conseiller à la Sécurité de Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski a développé en l’appliquant à l’Amérique. Dans son ouvrage  « le Grand échiquier » 2 , lui qui était originaire de Pologne et qui détestait la Russie, il demande à ce que l’Occident oppose un discours de fermeté à Moscou. Brzeziński n'a cessé de demander des sanctions contre la Russie, notamment après l'annexion de la Crimée au printemps 2014.

Il a promu une géostratégie visant à assurer la dominance de l’Amérique sur la scène internationale, en isolant et affaiblissant tout acteur qui aurait cherché à obtenir la domination sur l'Eurasie, dont l’Europe fait partie. Selon la formule d’Halford Mc Kinder, l’Eurasie est le pivot du monde, et doit à ce titre être dominée par les États-Unis, qui doivent identifier les pays ou dirigeants susceptibles de provoquer une modification des rapports de force afin de les coopter ou de les contrôler.


Il mentionne ce que serait le pire des scenarii pour les États-Unis : celui d'une grande coalition

entre la Chine, la Russie et peut-être l'ran. Dans un tel cas, la Chine serait plus probablement le leader, et la Russie un suiveur. Quant à l’Ukraine, c’est l’un un des principaux pivots géopolitiques de l'échiquier eurasien, car « sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire eurasien » et serait alors réduite à un empire asiatique. Le contrôle de l'Ukraine est important, car il s'agit d’une terre agricole, riche, qui permet d'utiliser la mer Noire librement, et notamment de commercer avec la mer Méditerranée sans partage. Si l'Ukraine venait à perdre son indépendance, la Pologne deviendrait à son tour un pivot géopolitique et une frontière de l'Europe à l'Est, face à la Russie.


Ces théories seront reprises par Ahmet Davutoğlu, politiste et Ministre des Affaires étrangères et Premier ministre de Recep Tayyip Erdoğan jusqu’en 2014. Dans son ouvrage Profondeur stratégique 3 , il redéfinit la place occupée par la Turquie à l’aune du contexte international et de la place de l’islam au Moyen-Orient. Ce qu’il souhaite c’est un retour de la Turquie, qui a toutes les qualités pour ne plus faire partie des pays du Rimland, qui se trouvent à la périphérie de l’Heartland et qui ont été au cœur de la politique américaine du

Containement contre l’URSS. En fait la Turquie comme la Russie souhaite renouer avec leur passé impérial.


Dans ces conditions l’Occident ne doit plus exercer son pouvoir hégémonique sur le monde et l’attaque du 7 octobre s’inscrit dans cette stratégie qui vise à l’affaiblir.

 

Lea Della Volta

 

[1] Mc Kinder, H, The  geographical pivot of History. Publié par la Royal Geographical Society, The Geographical Journal, Vol. 23, No. 4 (Apr., 1904), pp. 421-437.

[2] Brzezinski, Z, Le Grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Fayard, 2011.

[3][3] Davutoglu, A , Davutoglu, A., Stratejik Derinlik, Istanbul : Küre Yay. 2001.








30 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating
bottom of page