Un projet saoudien prévoit d’exfiltrer les chefs du Hamas et de déployer une Task Force arabe dans la bande de Gaza. Celui ci a été mis sur pied par le Think tank Gulf Research Center, proche de Riyad et des services secrets. Il a été remis à Anne Grillo au Quai d’Orsay pour convaincre les Algériens, car l’Arabie Saoudite et l’Algérie sont en froid diplomatique.
L’Arabie Saoudite a proposé que Mohammed Deif, commandant des Brigades Izz al-Din al Qassam, branche armée du Hamas et Yahiya Sinouar, responsables des massacres du 7 octobre, soient exfiltrés vers l’Algérie. Le choix saoudien repose sur les bonnes relations qu’entretiennent l’Iran et l’Algérie. Mais le plan ne se limite pas à l’exfiltration de la bande de Gaza des deux responsables du Hamas, il prévoit aussi le déploiement d’une Task Force arabe dans la bande de Gaza. Ce n’est pas un plan d’action à proprement parler, mais une proposition faite à de nombreux pays occidentaux, aux Israéliens et à l’Amérique. En figurant dans un document confidentiel, elle permet d'offrir le refuge aux dirigeants militaires du Hamas en Algérie. Autant de pistes destinées à arrêter les hostilités à Gaza, stabiliser l’enclave et peut-être d’y prévoir un futur sans le Hamas. Ou pas.
Mais pour l’heure personne n’a donné son aval à cette proposition, car Israël et l’Amérique ont planifié l’éradication de l’hydre politique et militaire du Hamas responsable d’un crime contre l’humanité perpétré le 7 octobre contre les membres des Kibboutzim.
L’Algérie pour sa part, n’a pas été sollicitée par l’Arabie Saoudite pour accueillir les membres du Hamas et n’a pas donc pas donné d’accord.
Mais depuis 2018, la situation de l’Algérie se trouve isolée sur la scène internationale, elle n’a que deux alliés véritables, le Qatar et la Turquie et ne souhaite pas déplaire à l’Amérique. Officiellement, elle a fait savoir que le Hamas n’était pas persona grata sur son sol.
L’Algérie a adopté une position neutre à l’égard du Hamas.
L’annonce des crimes du 7 octobre a été saluée par des cris de joie par la « rue » algérienne, mais depuis lors, plus personne ne se risque à parler du Hamas.
La proposition saoudienne repose sur les relations cordiales qu’entretiennent l’Algérie avec l’Iran. C’est en effet l’Iran qui a apporté son aide au Front Polisario, via son proxy, le Hezbollah. Des experts militaires du Hezbollah ont appris au Front Polisario à creuser des tunnels sous le dispositif de défense marocain. Quant à leurs relations, elles passeraient notamment par le centre culturel iranien à Alger.
Mais les relations se sont, là aussi considérablement refroidies. Au point que l’ancien président du MPS (Mouvement pour la Société de la Paix, un parti islamiste), Abderrazak Makri qui devait faire escale à Doha pour rencontrer Ismail Haniyeh l’un des leaders du Hamas, officiellement pour « visite de courtoisie aux dirigeants du Hamas, dont Ismail Haniyeh, et prendre des contacts pour conclure des accords de partenariat en vue d’organiser le septième congrès international du forum de Kuala Lumpur sur l’effondrement moral et éthique des États occidentaux face au génocide en cours à Gaza », a été interdit par les autorités de son pays de quitter le territoire algérien.
Le pouvoir algérien a pris ses distances avec la « cause palestinienne » y compris depuis le début de la guerre à Gaza, et l’aide humanitaire algérienne est des plus dérisoire. Elle s’est limitée à un avion-cargo de produits de première nécessité, quinze jours après le déclenchement des hostilités.
Comment interpréter cette prise de distance avec le Hamas ?
Il n’y a eu aucune concertation entre Alger et Riyad sur l’opération d'évacuation des dirigeants du Hamas. Pour l'heure, les saoudiens ont demandé aux Français de soumettre leur proposition aux dirigeants algériens.
Car les relations entre l’Arabie Saoudite et l’Algérie, les deux aspirants au leadership du monde arabe sont plus que tendues. L’Arabie saoudite a essayé de résoudre la crise entre le Maroc et l’Algérie. Mais Alger reste campé sur ses positions. Malgré les mains tendues du roi Mohammed VI cette dernière n’est pas disposée à entamer des négociations avec Rabat. Une intransigeance qui agace Riyad qui a dès lors pris ses distances avec l’Algérie. Fin juillet, la visite de Mohamed Ben Salman, le prince héritier de l’Arabie Saoudite, à Alger a été annulée de façon inattendue. Le refus du régime algérien de normaliser ses relations avec Rabat et son mépris affiché à l’égard des propositions saoudiennes ont fortement déplu et exaspéré Mohamed Ben Salman qui a boycotté le 31e sommet de la Ligue arabe, qui s’est tenu à Alger les 1er et 2 novembre 2023.
Le pouvoir algérien avec lequel l’Arabie saoudite ne discute plus officiellement n'est pas du tout disposé à accepter cette option car le régime d’Abdelmadjid Tebboune, préfère approfondir en ce moment son rapprochement avec le camp occidental, et notamment avec l’Administration Biden, en évitant toute prise de position qui pourrait lui valoir l'hostilité de Washington ou des autres forces occidentales.
Par ailleurs, l’accueil des dirigeants du Hamas, nécessiterait des mesures sécuritaires et politiques d’autant plus que les services de sécurité israéliens ont prévu de liquider ses chefs. L'Algérie pas plus que le Qatar, ne peut fournir, cette sécurité, car elle est en proie à un climat politique interne précaire, en raison des enjeux sensibles des prochaines élections présidentielles de décembre 2024 et de l'avenir encore incertain d'Abdelmadjid Tebboune.
Lea Della Volta
Hamas : La piste algerienne peu vraisemblable
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