Le spectre de l’Iran et de la Brigade Al Qods se profile derrière les massacres perpétrés en territoire israélien. L’Iran est accusé d’avoir financé et renseigné le Hamas. Une mission qui est confiée à la Brigade Al Qods, qui fait partie du Corps des gardiens de la Révolution.
Depuis plus de quarante ans, une mafia s’est emparée du pouvoir politique et économique. Le régime de la terreur a été instauré pour protéger ses intérêts particuliers.
On présente souvent les mafias sous deux angles, le folklorique, avec la « famille » qui
entretient des liens avec d’autres « familles » et qui lutte pour des intérêts privés, les siens
majoritairement, ou bien encore, on associe mafia et crime organisé qui n’a d’autres fonctions
que d’engranger des bénéfices à partir d’activités illicites.
Pourtant, l’essence même de la mafia ne peut être réduite à ces deux cas. Car si les mafias se
sont taillées une place importante dans nos sociétés, c’est en raison du rôle politique, parfois
révolutionnaires qu’elles ont pu y jouer. C’est le cas de la mafia en Italie, qui a pour
fondateur, l’un des pères de l’Unité italienne, Mazzini, c’est le cas des Triades qui ont vu le
jour dans les monastères des moines Shaolin et qui ont mené la guerre contre le pouvoir
féodal de la dynastie mandchoue des Qing, mais aussi contre les puissances occidentales. La
Révolte des Boxers (1899-1901) sera l’une de leurs actions et sera organisée par les Poings de
la justice et de la concorde, société secrète qui compose les Triades.
Letizia Paoli (1) affirme, que les mafias peuvent être considérées comme des organisations
politiques, ce à quoi nous serions tentés d’ajouter qu’elles sont des organisations politiques et que leur organisation interne ressemble à s’y méprendre à des partis politiques, avec une
échelle de commandement et une hiérarchie en toute point semblable.
Dans un rapport, la cour de cassation italienne, la définit de la manière suivante : « Une mafia
n’est pas une association passagère, elle s’inscrit dans la durée. Ce n’est pas une simple
association de malfaiteurs qui se regroupe pour monter des « coups ». Elle se distingue de la
criminalité « classique » par son infiltration chronique dans la société civile.
Dès les débuts de la l’Unité italienne, deux parlementaires sont envoyés en Sicile pour y faire
un rapport sur la criminalité , Leopoldo Franchetti et Sidney Sonnino ne la nomment pas, mais
ils comprennent qu’il existe ce qu’ils appellent « une vaste union de personnes de tous
grades, de toutes professions, de toutes espèces, qui sans avoir aucun lien apparent, continu
et régulier, se trouvent toujours unis pour promouvoir leurs intérêts réciproques, en faisant
abstraction de la loi, de la Justice et de l’ordre public (…) ». (2)
Ontologiquement, une mafia est liée au pouvoir, elle en est d’ailleurs un, à part entière, quitte
par la suite à se réclamer d’une idéologie, uniquement pour servir des intérêts financiers et
privés cela n’est jamais à exclure.
Le pouvoir des mollahs s’est imposé « par la douceur », sans coup férir comme le souligne
Alexandre Etemad 3 en fédérant autour de lui, des partis politiques traditionnels en quête d’une plus grande visibilité. Cette union n’a pas duré car les mollahs avaient une botte secrète qui leur a permis de mettre leur pouvoir à l’abri de toute attaque extérieure et surtout interne.
Le pouvoir des mollahs « se sanctuarise »
La légitimité du pouvoir des mollahs n’est pas une évidence, aussi, celui-ci n’a eu de cesse de
se protéger. En premier lieu avec un principe théologique développé par l'ayatollah
Khomeini et Mohammad Sadeq al-Sadr, qui confère le pouvoir religieux et la primauté sur le
pouvoir politique : le Velyat al faqih. Le faqih est le guide suprême et en 1979, Khomeiny
propose que la réalité du pouvoir, ou son exercice, revienne au meilleur des juristes-théologiens désigné comme étant la personne la plus compétente pour mener une politique proche de ce que l’Imam chiite lui-même aurait pu faire.
Ce principe est une innovation de Khomeiny car le chiisme lui-même est resté distant des affaires publiques, considérant que tout pouvoir après la disparition du douzième imam était un pouvoir illégitime, un mal nécessaire. Le clergé chiite s’est transformé progressivement en contre-pouvoir.
On assiste ainsi à une première entorse à l’un des principes du chiisme lui-même. Une « coupole » se met en place. Il s’agit d’une assemblée composée de 86 dignitaires religieux, sur lequel le guide suprême détermine la direction politique générale du pays et en supervise l'exécution, après consultation du « Conseil de discernement de l'intérêt supérieur du régime ». Il détient tous les leviers du pouvoirs et arbitre les conflits au sein de l’appareil étatique. Le Guide est également le Chef des armées : il nomme ou révoque les commandants des forces armées corps des « gardiens de la Révolution »
Les Gardiens de la Révolution, garde prétorienne des mollahs
Le Corps des Gardiens de la Révolution est l’un des rouages de ce pouvoir mafieux. Il a vu le
jour 22 avril 1979, trois semaines après le référendum qui a validé la formation de la
république islamique d'Iran. Selon la constitution iranienne, alors que l'armée régulière est chargée de la défense des frontières du pays et du maintien de l'ordre dans le pays, le Corps des gardiens de la Révolution est chargé de protéger le système de la République islamique.
Si le pouvoir confie sa survie, à cette garde prétorienne, et non à l’armée, ce n’est pas sans
raison, car l’armée a la réputation d’être un bastion impérial. D’ailleurs, comme tout armée
dans le monde, sa mission première est d’assurer la protection de la nation contre toute
menace militaire, non de protéger le pouvoir.
Or, les mollahs vont réussir le tour de force de créer un rempart, une armure entre eux et
l’homme de la rue, et à cette garde prétorienne, ils vont adjoindre les bassidji. Des jeunes gens que la Révolution rend plein d’espoir, mais qui en cas d’espoir contrarié, pourraient être un danger pour le pouvoir. C’est pour cela que leur corps n’a pas été démantelé après la guerre Irak-Iran.
La répression et notamment celle qui a fait suite à la mort de Mahsa Amini a été confiée au
Corps des Gardiens de la Révolution.
Des accointances avec des groupes criminels
Le Corps des Gardiens de la Révolution, mais aussi par les « proxies » du pouvoir qui sont
téléguidés par Al Qods, courroie de transmission du pouvoir des Mollahs, ces derniers vont
organiser des attentats dans le monde. L’attentat à Buenos Aires contre l’AMIA (Asociación
Mutual Israelita Argentina) ou contre l’Ambassade d’Israël (1992), est à mettre à l’actif de
l’Iran et probablement du Hezbollah.
Mais ce ne sont pas les seules cibles du régime iranien. Qassem Soleimani, selon les
affirmations de la police néerlandaise, aurait établi un contact avec la Mocro Maffia dès
2015. (4)
Le 8 janvier 2019, les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur néerlandais ont fait une déclaration à l'encontre de l'Iran soupçonné d'avoir commandité deux meurtres sur le
territoire néerlandais. (5)
En 2015, à Almere, Ali Motamed, un électricien de 56 ans, tomba sous les balles de 2 tueurs,
devant chez lui un soir d'automne. La police n'avait à ce moment précis aucune idée du
mobile et l'enquête mit plusieurs mois à trouver une piste, celle dune BMW bleue aperçue
plusieurs fois à partir du 11 décembre. Une voiture volée deux mois plus tôt à Utrecht avec
des plaques d'immatriculation vierges dérobées elles aussi dans un commerce de Nieuwegein.
Cet indice mit la police sur la piste d’une équipe venue d'Utrecht pour le contrat. Un appel à
témoins fut lancé et plusieurs personnes décrivirent les deux passagers de la BMW.
Ces derniers furent identifiés comme appartenant au Green Gang.
En août 2018, l'affaire prit un essor considérable quand il s'avéra qu'Ali Motamed, se cachait
sous une fausse identité et s'appelait en réalité Mohammad Reza Kohali Samadi, ancien
membre des Moudjahidine du Peuple, il était recherché en Iran pour sa participation à un
attentat le 28 juin 1981 à Téhéran, qui causa la mort de 73 hauts responsables du
gouvernement dont le juge en chef Mohammad Beheshti numéro 2 du régime des ayatollahs.
Le contrat aurait été confié par des officiels iraniens et le nom de Qassem Soleimani est cité.
Ce dernier se serait adressé à Naoufel Fassih qui se serait ensuite chargé d'engager les tueurs. (6)
Le 8 novembre 2017 Ahmad Nissi fut abattu à La Haye par un homme seul qui s'enfuit dans
une BMW. Il vivait en Hollande depuis 2006. (7)
En 1999, il était devenu le fondateur et le leader du Mouvement de Lutte Arabe pour la
Libération d’al-Ahwaz (ASMLA), une province du Khuzestân, riche en pétrole, au sud-ouest
de l'Iran. Cette organisation est suspectée par des autorités iraniennes de velléités
d’indépendance, aussi, les autorités néerlandaises ne tardèrent pas, grâce à la coopération
européenne, à voir derrière cet assassinat la main de Téhéran et de la mocro maffia. Les
autorités danoises accusèrent l'Iran d'avoir planifié le meurtre d'un autre membre de l'ASMLA
en septembre 2018.
En octobre 2019, « De Telegraaf » a publié une information sur la protection assurée par les services iraniens, de criminels néerlandais, qui les aident à commettre des assassinats politiques aux Pays-Bas.
Le journal a affirmé que Taghi recherché par la DEA a pu à un certain moment, trouver refuge en Iran et qu'une tentative d'assassinat contre un opposant iranien avait été envisagée.
Mainmise sur l’économie et corruption
L’opposition iranienne a mené des enquêtes d’où il ressort que rien ne peut se faire sans les le Corps des gardiens de la Révolution. L’ayatollah Rohani inaugure en 2017 Le port de
Chabahar sur l’Océan Indien, un lieu hautement stratégique qui permet de relier les côtes
africaines et asiatiques à l'Asie centrale, par l'axe routier et ferroviaire nord-sud que l'Iran est
en train de renforcer parallèlement à sa frontière orientale avec le Pakistan et l'Afghanistan.
Le nouveau port qui a coûté des milliards a été construit par Khatam al-Anbia, conglomérat
qui appartient au Corps des Gardiens de la Révolution. La compagnie aérienne Compagnie
Mahan assure les trafics d’or et d’argent qui sont exfiltrés d’Iran en direction des pays
limitrophes. La compagnie appartient à al Movahedin Charity, donc au corps des gardiens de
la révolution, qui ont la main sur 60 % de l’économie du pays. Des bénéfices versés à Al
Qods.
Le petit aéroport de Payam, au sud de Téhéran sert de porte d’entrée et de sortie à la
contrebande. Le 28 octobre 2022, Le service de sécurité de Lloyd Marine a lancé une alerte
électronique pour signaler qu’Al Qods et le Hezbollah avaient recours à Mahan Air pour faire
sortir d’Iran de l’or et de l’argent qui servait à financer des actions terroristes.
Lea Della Volta
Le Corps des gardiens de la Révolution : Une mafia et rien d’autre
(1) Paoli, L, Mafia brotherhoods: organized crime, Italian style, 1997, Oxford University Press.
(2) In : Condizioni politiche e amministrative della Sicilia, 1876, chapitre III, pp. 64-65-66.
(3) Consultant en intelligence économique et stratégique.
(4) Desmoulins, Jeux d’espions et de tueurs de l’Iran, 10 février 2020, https://jean-philippe-savry.over-blog.com/2020/02/le-jeu-d-espions-et-de-tueurs-de-l-iran.html
(5) Iran responsible for two assassinations in Netherlands, security service says, in : NL Times, Janvier 2019, https://nltimes.nl/2019/01/08/iran-responsible-two-assassinations-netherlands-security-service-says.
(6) Holligan, A, Does Iran hold key to Dutch murder mystery? in : BBC News 18 juin 2018
(7) Shmouel, Les Renseignements iraniens accusés de meurtre aux Pays-Bas, in : Kountrass, 15 novembre 2017.
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