Le Hizb ut-Tahrir, qui a été qualifié par le Royaume-Uni d'organisation terroriste, est désormais frappé d’interdit. Il est considéré comme criminel le fait d'appartenir à ce groupe ou de le soutenir. Le mouvement s’était emparé de la rue londonienne pour protester contre la guerre à Gaza et proférer des menaces contre Israël et invitant les musulmans à assassiner les Juifs, partout dans le monde.
Une ordonnance de la Chambre des Communes a été adoptée le 15 janvier dernier, visant à mettre hors-la-loi le mouvement de la libération islamique ou Hizb ut Tahrir qui prône le retour au Califat sur tout le monde musulman.
Toute appartenance ou invitation à soutenir le groupe est considéré comme une infraction pénale, et passible d’une peine d'emprisonnement de 14 ans qui peut être prononcée en même temps qu'une amende ou à la place de celle-ci.
L'interdiction concerne le Hizb ut-Tahrir dans sa globalité, ainsi que toutes ses branches régionales y compris celle présente en Grande-Bretagne. Le mouvement a été fondé à Jérusalem-est en 1953 par Taqiuddin an-Nabhani al-Filastyn qui aspirait à l'instauration d'un ordre alternatif à la démocratie et au capitalisme par le biais d'un califat islamique, ce qui contredit le pacifisme de façade affiché par le groupe, puisque l’instauration du califat ne pourrait se faire que par la violence. En effet, le groupe prône le renversement des gouvernements dans le monde musulman et leur remplacement par un État islamique sous la forme d’un califat, mais qui rejette la violence comme forme de lutte politique.
Ce risque de déstabilisation n’est pas passé inaperçu, aussi le mouvement a été interdit dans plusieurs pays musulmans, dont l'Égypte et l'Arabie saoudite. En Indonésie est même imposé un décret présidentiel en date du 19 juillet 2017 où le Hizb ut-Tahrir a été déclaré hors-la-loi. Le Ministre des Affaires religieuses, Lukam Hakim Saifuddin a déclaré : « qu’une organisation qui appelle à la destruction de la République et du Pancasila[1] ne peut plus être considéré comme seule porteuse d’un message religieux. Elle est investie avant tout d’un agenda politique ».
La Turquie son laboratoire
Si la Turquie est le lieu d’implantation du mouvement, ce n’est pas un hasard, puisque en 1924, Mustafa Kemal a aboli le califat du même trait de plume que l’Empire ottoman, dont les statuts du sultan en 1922 et celui du calife en 1924.
Le Hizb ut-Tahrir a commencé sa propagande en Turquie dans les années 1960 à travers des publications diffusées par des étudiants jordaniens, mais c’est seulement en 2005 qu’il annonce la création d’une « province » de son mouvement en Turquie dont le président est Yılmaz Çelik.
Le 2 septembre 2007, devant la mosquée Fatih à Istanbul, Yılmaz Çelik a prononcé un discours public devant 300 à 500 sympathisants pour appeler à la restauration du califat qui a existé dans l’Empire ottoman.
Le mouvement ne peut pas obtenir de statut légal en raison de la loi turque qui interdit les partis religieux et ne permet pas d’enseignement religieux hors du cadre étatique de la Direction des affaires religieuses ou Diyanet.
Si l’on estime que son audience reste assez confidentielle, on peut noter une tentative du mouvement de rallier le mouvement islamo-religieux turc par une proximité de la narration anti-occidentale d’une part, mais aussi par une rhétorique qui se rapproche de celle tenue par les nationalistes et qu’illustre la célèbre phrase reprise par Suleiman Demirel qui prophétisait une extension de l’espace turcophone de « l’Adriatique à la mer de Chine ». Sur le même modèle, le Hizb ut-Tahrir a lancé un slogan prévoyant la restauration de la Palestine du « Jourdain à la mer Méditerranée » qui doit s’accompagner du massacre de la population juive.
Une organisation terroriste
En 2003, le Hizb ut-Tahrir a été interdit en Allemagne, en raison de ses positions antisémites et anti-israéliennes. La même année, deux de ses anciens membres, de nationalité britannique, ont été impliqués dans des attentats anti-israéliens. Malgré ses positions anti-israéliennes, le Hizb ut-Tahrir est présent à Jérusalem-Est et dans les territoires palestiniens, le Shin Beth s’étant opposé à son interdiction afin de pouvoir mieux le surveiller.
Depuis 2003, l’émir du Hizb ut-Tahrir est Ata Abu Rashta qui a trouvé refuge dans un pays du Golfe. Ce dernier a mis l’accent sur le rôle fédérateur du mouvement, affirmant que l’établissement du califat est désormais une revendication générale parmi les musulmans qui seraient de plus en plus nombreux à le souhaiter.
Si le mouvement est interdit dans la plupart des pays, il continue à exercer une influence sur la « rue arabe », voire musulmane. Le 7 octobre, celle-ci était en liesse à l’annonce des massacres perpétrés par le Hamas. Le 30 octobre, des manifestants envahissaient le tarmac de l’aéroport de Makhatchkala au Daghestan, à la recherche de citoyens israéliens, dont l’avion en provenance de Tel Aviv venait de se poser. La mobilisation s’étant faite par les réseaux sociaux.
Expulsés de Russie les membres du Hizb ut-Tahrir n’en continuent pas moins à exercer une influence sur les pays du Caucase. Le FSB a annoncé, le 7 mars 2024, avoir tué deux Kazakhs qui s’apprêtaient à commettre un attentat contre une synagogue moscovite. Officiellement, il s’agirait d’une cellule de l’Etat Islamique-Khorasan (EI-K), branche régionale notamment active en Afghanistan et qui a des liens avec Hizb ut-Tahrir.
Lea Della Volta
Le Hizb ut-Tahrir déclaré hors-la-loi par la Grande-Bretagne
[1] Le terme de Pancasila signifie les « cinq principes ». Présent dans Constitution indonésienne de 1945, il permet la coexistence pacifique des ethnies et des groupes religieux du pays
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