Le pouvoir hégémonique du vieux monde, dont le leadership est assuré par l’Amérique est battu en brèche par les pays dits du sud global Mais cette contestation n’est pas la seule particularité de ces pays. Certains mouvements dans les pays occidentaux en refusent les valeurs. Parmi eux, le mouvement néofasciste italien : CasaPound, allié de l’Iran et du Hezbollah.
C’est une photo qui a fait le tour des réseaux sociaux et qui montre Gianluca Iannone en visite en Syrie pour y rencontrer Buthaina Shabaan, la conseillère personnelle de Bashar El-Assad. La visite s’est poursuivie à la bibliothèque nationale de Damas où l’attendaient les représentants du parti Baas pour un talk show à la télévision d’État.
Cette visite n’est pas passée inaperçue, car Gianluca Iannone n’est pas un chef d’État, ni même un représentant du gouvernement italien, mais le fondateur de CasaPound, mouvement néofasciste italien.
La visite s’est déroulée sur sept jours (21 au 28 mai),et elle n’est pas la première visite de ce type pour le fondateur de CasaPound, qui ne cesse d’exprimer sa solidarité avec le régime syrien et le Hezbollah. La délégation de CasaPound s’est étonnée du tapage médiatique et a déclaré qu’il s’agissait d’un simple processus de normalisation du dictateur syrien. Pour Mauro Primavera, chercheur à la Fondation internationale Oasis[1], il en va tout autrement : « CasaPound n’a que très peu d’importance en Italie, c’est désormais un parti qui a été rétrogradé mais qui a réussi à établir un contact avec d’autres sphères d’un État souverain. Une donnée symptomatique et préoccupante », reconnaît le chercheur.
Car les « sphères » en question ne sont autres que le Hezbollah libanais et Al Qods.
CasaPound un groupe néofasciste qui s’appuie sur le Manifeste de Vérone.
CasaPound revendique l’héritage fasciste mussolinien, il en veut pour preuve le Manifeste de Vérone de novembre 1943 qui jetait les bases en 18 points du programme fasciste italien, au point 7, on peut lire : « Ceux appartenant à la « race juive » (razza ebraica) seront considérés étrangers et, pendant la durée de la présente guerre, comme appartenant à la nationalité ennemie. ». Une mention parfaitement inutile étant donné la situation des juifs en général et des juifs italiens en particulier, que les lois raciales de 1938 avaient transformés en parias de la société.
CasaPound qui a emprunté une partie de son nom à Ezra Pound, poète américain, grand admirateur de Hitler et de Mussolini, affirme vouloir dépasser la vieille dichotomie droite-gauche[2], et entend recréer ce lien tribal, d’où son nom casa (maison) qui se manifeste dans la Cinghimattanza[3], dce qui le rend aux yeux de nombreux observateurs comme parfaitement inoffensif.
Le mouvement professe un anticapitalisme, un anticommunisme, un antiaméricanisme et un antisémitisme virulent, en dépit de ses allégations. Il se positionne également en faveur de la Palestine et de Bashar El-Assad. Mais ce qui le rend éminemment dangereux, c’est sa propension à revendiquer tout et son contraire. Une stratégie destinée à brouiller les pistes autant qu’à recruter dans différents groupes qui peuvent se reconnaître dans leur propagande aux relents nauséabonds. Preuve aussi, s’il en est, que ses dirigeants ont intégré dans leur discours, le Ketman iranien qui n’est autre que l’art de la dissimulation.
Aussi, malgré son anticommunisme, le mouvement revendique l'héritage de certaines personnalités de la gauche radicale, voire de l'extrême gauche, telles que les Hugo Chávez ou Che Guevara. Une position altermondialiste qui leur permet de jeter une passerelle avec l’antisémitisme et leur haine d’Israël avec leur soutien à la Palestine et au Hezbollah, après la déclaration faite par Matteo Salvini lors de son voyage en Israël, en 2018. Ce dernier n’avait pas hésité, dans un tweet, à qualifier le Hezbollah de groupe « terroriste islamique ».
Il Primato Nazionale qui est l’organe officiel de presse du mouvement fasciste publie des tribunes contre Israël et tient une ligne pro-palestinienne. Pourtant, cela n’empêchera pas Simone Di Stefano, d’affirmer : « Nous n’avons aucun problème avec Israël, nous ne sommes pas antisémites »[4]. La raison de ce paradoxe qui n’est qu’apparence, est qu’il court le risque de voir le mouvement interdit pour antisémitisme. Aussi, le même Di Stefano ira jusqu’à publier en 2018 une tribune sur la politique d'expulsion d'immigrants africains illégaux menée par Benyamin Netanyahu comme une initiative « indéniablement excellente ». Il critiqua l'action des organisations humanitaires et de l'ONU qui voulaient dissuader Israël d'agir ainsi. Ce qui n’en fait nullement un ami d’Israël.
La stratégie du Hezbollah
La dissimulation des intentions véritables est l’une des armes du chiisme, mais aussi de certains mouvements terroristes sunnites.
CasaPound a fait sienne la communication du Hezbollah ou « parti de D.ieu », mais aussi de sa stratégie de terrain. L’un comme l’autre jouent la carte de la proximité avec les populations fragilisées, le monde associatif et les actions humanitaires. Mais aussi en jouant l’ancrage dans un territoire bien défini, afin de se constituer une armée de fidèles, de futurs hommes-liges. C’est le cas de la banlieue sud de Beyrouth, où le Hezbollah par l’aide apportée aux populations locales et nécessiteuses a réussi à transformer le quartier en bastion de sa milice.
Au moment du tremblement de terre de l’Aquila (Italie, région des Abruzzes) en 2009. CasaPound a apporté son aide aux populations sinistrées en organisant un camp fixe et en gérant des dépôts de vivres. Une aide qui fut louée par de nombreuses personnalités. Et le résultat ne se fit pas attendre, deux ans plus tard, CasaPound présenta des candidats aux élections et sept de leurs membres réussirent à se faire élire.
En février 2023, le Hezbollah fit de même en envoyant un convoi d’aide humanitaire dans l’ouest de la Syrie, pays secoué par un séisme et qui avait fait plus de 3 500 morts.
Mais CasaPound a commis sans doute une erreur de communication, en réunissant le 7 janvier dernier plus d’un millier de participants vêtus de noir, en ordre de bataille, arborant le salut fasciste et scandant « presente », à la mémoire de leurs deux camarades tombés en 1978.[5]
Une démonstration de force de sinistre mémoire, dans le plus pur style des chemises noires mussoliniennes qui, de l’Italie, à l’Europe entière, a prouvé que le fascisme existe toujours.
Lea Della Volta
[1] La Fondation internationale Oasis fait la promotion de la connaissance réciproque entre chrétiens et musulmans, avec une attention particulière à la réalité des minorités chrétiennes dans les pays à majorité musulmane
[2] Toscano, E, Dentro e fuori Casapound. Capire il fascismo del Terzo Millennio, Armando Editore, 2011.
[4] Zuquete, P, J, The Identitarians: The Movement Against Globalism and Islam in Europe, University of Notre Dame Press, 2018.
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