Un rappel succinct de l’histoire juive apparaît nécessaire pour débuter sur des bases saines.
Le mal radical dans l'aliénation, c'est l'oubli.
Robert Misrahi
Pour mémoire, la présence des Juifs dans certaines parties de l’Orient, en dehors des deux royaumes historiques d’Israël et de Juda vers les années -950, remonte à la chute du premier temple (-586) et se prolonge au-delà de la destruction du second (+70). Nous sommes donc là avec une présence permanente qui s’avère bien antérieure à celle du christianisme et – davantage encore – à celle de l’islam.
Rappelons ici quelques éléments importants de l’histoire du peuple juif qui n’a jamais cessé après 135 et pendant près de 19 siècles, de prier pour un retour à Jérusalem.
Le roi hérodien Hérode Agrippa II succède à son père et règne de 54 à 92. Il est l’ami de Néron (5 e empereur romain de 54 à 68). La situation reste chaotique entre les factions juives si bien que les romains envisagent de détruire le second temple.
Sans trop vouloir entrer dans le détail, certains Hérodiens étaient soutenus par les Saducéens aux mœurs religieuses strictes. Leur nom provient du Grand Prêtre Sadok qui officiait à Jérusalem du temps de Salomon. Ils étaient opposés aux Pharisiens prônant davantage l’utilisation de la Torah orale. La lutte entre ces deux grandes tendances du judaïsme pendant cette période fut sans merci. C’est aussi à cette époque que Néron commença à faire massacrer les premiers chrétiens d'origine juive ou païenne.
Durant ce règne d'Hérode Agrippa II, le procurateur Gessius Florus décide de prélever 17 talents sur le trésor du temple (1 talent = 30 kg). La première révolte des Juifs, appelée grande révolte, racontée par Flavius Josèphe intervient en 66. Le général Vespasien mate la rébellion en 67. Il devient empereur en 69. Entre temps, l'opposition s’est radicalisée.
Pour mettre fin aux troubles qui défient l’empire romain, Titus (39-81) qui régna de 69 à 79, fils de l’empereur Vespasien et second empereur de la dynastie Flavienne, assiège et détruit presque entièrement Jérusalem en 70 avec pas moins de 4 légions romaines et plusieurs cohortes (6.000 hommes au total). Le dernier bastion juif tombe avec Massada en 73.
En 132, Hadrien (76-138) par pure provocation fait installer un temple de Jupiter sur l’emplacement du Temple d’Hérode. Hadrien interdit aux Juifs la pratique du Shabbat et de la circoncision entre autres. On comprend que ce ne pouvait être qu’une stratégie mortifère de sa part.
Il n’en fallait pas davantage pour pousser les Juifs à bout. On assiste alors à la révolte de Bar Kokhba (132–135), le leader ayant porté la cause et considéré par certains comme le messie. Après des premières victoires, cette révolte est réprimée avec une grande cruauté dans un bain de sang. Des deux chefs, Shimon Bar Kokhba est tué et Rabbi Akiba, qui le soutenait, est torturé à mort.
En 135, Hadrien interdit aux juifs de séjourner à Jérusalem. Il intègre la Judée à la région Syria Palaestina, avec pour capitale Césarée. La Judée sera appelée Palaestina, en référence aux Philistins qui furent autrefois les ennemis jurés du peuple juif. Il nomme Jérusalem du nom d'Aelia Capitolina en référence aux lieux du pouvoir romain et à lui-même. La sœur d’Hadrien se prénommait Aelia, son père Aelius ainsi que lui-même (Aelius Hadrianus). Il fait bâtir un temple de Zeus à l’emplacement du Temple de Salomon et fait détruire une partie de Jérusalem dans l’esprit de refonder une nouvelle ville à son image. Les exactions de cet empereur romain correspondent bien à la définition d'un antisémitisme virulent digne du
nazisme.
La population juive de Jérusalem est remplacée. Outre le Temple de Jupiter, le terrain de l’esplanade servit même à des cultures de courges selon le récit d’un pèlerin chrétien. La souffrance du peuple juif et sa volonté de revenir sur sa terre reprirent à cette époque-là. Elles se modelèrent pendant de très nombreux siècles pour une grande partie de la diaspora à travers le monde.
Constantin 1 er (272-337) poursuivra l’action de son prédécesseur Hadrien en instituant le christianisme en religion d’état. Un peu plus tard, les Chrétiens voyant la concurrence faite par les Juifs conçurent vers le IV e siècle de reporter la faute du « crime » contre le Juif Jésus sur un Juif parmi les onze autres Juifs. La consonance de Juda, bouc-émissaire par excellence, rappelle évidemment le mot juif autant que la région d’origine, la Judée. D'un seul homme, l'extension à tout un peuple n'était qu'une banalité de l'esprit. Pour rappel également, il y eu plusieurs milliers de crucifiés par les Romains la même année que le Christ. Dans ce prolongement, un peu plus tard, Augustin d’Hippone, dit Saint Augustin (354-430), l’un des pères de l’Eglise d’Occident, inventa le principe de la dhimma à la chrétienne pour les Juifs, c’est-à-dire la nécessité de les conserver dans la société comme des témoins du passé mais à un rang inférieur.
Les Juifs du royaume franc sont expulsés en 533 par Childebert 1 er , fils de Clovispuis en 630 par Dagobert. Ce seront les deux premières expulsions d’une série de 12 qui vont se succéder sur plusieurs siècles en France. Le principe de la dhimmitude sera repris par l’islam au VIII e siècle avec le pacte d’Omar édicté en 717 en y ajoutant un impôt annuel, la jizya. Avant ce pacte, vers 630, devant le refus des Juifs d’Arabie de le reconnaître comme un prophète, Mahomet massacra deux tribus vivant depuis des siècles dans la région de Médine. Dans l’Espagne sous domination musulmane, à l’époque de Al-Andalous (X e et XI e siècle), d’aucuns veulent nous faire croire à une période idéale de vie harmonieuse entre les trois religions. Comment est-ce possible alors que les uns, s’estimant supérieurs, s’arrogeaient des droits sur les autres, déclarés inférieurs ? Rappelons que Maimonide, un Juif éminent, dut s’enfuir d’Espagne en 1160. Rappelons également le massacre des Juifs un siècle plus tôt à Grenade en 1066 dans cette péninsule islamo-ibérique sous domination d’un calife.
Rappelons la tradition tardive rapportée par écrit par Ibn Furkah au XIV e siècle qui explique que Bouraq, le cheval ailé de Mahomet, avait été attaché au mur occidental lors du voyage nocturne du Prophète à Jérusalem. Le troisième lieu saint de l’islam vient en fait d’un songe, mais le prophète n’aurait pas foulé lui-même des pieds la ville déclarée sainte, ni ses environs. L’on mentionnera « en vrac » cinq autres expulsions des Juifs du royaume capétien entre le XIIe et le XIVe siècle.
La première eut lieu en 1182 par Philippe Auguste qui les rappellera en 1198 pour tenter de renflouer les caisses de son royaume. Nous sommes au cœur de la troisième croisade. Son petit-fils Louis IX, le fameux roi Saint Louis, réitère l’expulsion en 1254. Notons au passage que le pape Innocent III imposa le port de la rouelle de couleur jaune aux Juifs dès 1215. C’est également au XIII e siècle que fut inventée la légende de sang qui consistait à faire croire que le pain azyme était confectionné à l’aide du sang d’enfants chrétiens sacrifiés. Un peu plus tard, Philippe IV le Bel procède à une spoliation en règle des Juifs pour en arriver à les expulser en 1306. L’économie du royaume en pâtira.
La quatrième expulsion des Capétiens adviendra en 1322 par une ordonnance de Philippe V le Long, après avoir fait une croisade meurtrière contre les Juifs dans différentes régions de France. Il y aurait eu une conjuration des Juifs avec des lépreux pour empoisonner les puits. Enfin, à la même époque, les Juifs furent aussi accusés de profanation d’hosties qui ne renvoie à rien d’autre que le meurtre de Jésus, une fois de plus.
La peste noire fit disparaître selon les auteurs, entre un tiers et la moitié de la population européenne entre 1347 et 1351 et les populations juives jugées responsables en payèrent le prix fort. C’est Charles VI, dit le Fou, qui procéda à l'expulsion suivante en 1394, accusés d’être responsables de la famine. Ce ne fut pas la dernière expulsion des Juifs de France et encore moins la fin de celles d’autres pays européens.
Entre le XI e et le XV e siècle, l’islam n’est pas en reste sur le plan des exactions contre le peuple d'Abraham et d'Isaac. L’Afrique du Nord a longtemps été appelée Barbarie et l’Europe a longtemps souffert des razzias des barbaresques. De très nombreux Européens furent capturés, vendus et soumis à l’esclavage. Les corsaires barbaresques parlaient eux-mêmes de « djihad maritime ».
Les Juifs durent subir de nombreux pogroms et massacres dans une contrée soi-disant propice pour eux. Une longue litanie.
1106 – Décret de peine de mort pour tous les Juifs à Marrakech de Ali Tashifin
1033 – Pogrom de Fès au Maroc (1 er )
1065 – Conversion forcée ou peine de mort au Yémen
1066 – Massacre de Grenade dans l’Espagne musulmane
1165 – Le grand rabbin du Maghreb est brulé vif en place publique.
Maimonide s’enfuit en Egypte pour échapper à une mort certaine
1220 – Massacre de Juifs au Moyen-Orient déclarés responsables de l’invasion
Mongole
1270 – Massacre de Juifs par le sultan d’Egypte Baybar
1276 - Pogrom de Fès au Maroc (2 e )
1385 - Massacres en Iran
1438 – Massacre de Juifs dans le ghetto du Mellah en Algérie
1465 - Pogrom de Fès au Maroc (3 e )
1517 – Pogrom de Safed en Palestine ottomane et de Marsa Ben Ghazi
en Libye ottomane
1517 – Pogrom d’Hébron en Palestine ottomane
1588 – Pogrom en Iran…
Les atteintes à la dignité humaine se poursuivirent également dans le cours de l’histoire, à travers l’Europe entière et en Afrique du Nord, par des séparations administratives des communautés juives avec la création de ghettos et de mellahs.
L’inquisition espagnole débuta en 1391 et eut son point d'orgue avec l’édit d’expulsion en 1492. Le Portugal allait s’aligner. Nul besoin d’en relater plus de détails dans le cadre de cet ouvrage. Le mythe du Juif errant se perpétua.
Dans toutes ces haines anti-juives, le but final était identique, à savoir la dénonciation de l’impureté, la déshumanisation et l’avilissement du Juif au final. Cette volonté d’avilir sera manifeste au cours des siècles lorsque les Chrétiens de nombreux pays, catholiques plus spécifiquement, ont relégué les Juifs à des professions jugées impures comme l’usure. Dans le même registre, des Juifs ont ainsi été cantonnés dans des rôles de collecteurs de taxes dans certaines contrées.
En retour, ils subissaient la foudre du peuple ; les rois, seigneurs ou aristocrates
étaient protégés. Le Juif comme fusible. Que l’on ne s’y trompe pas, le monde orthodoxe à l’Est n’était pas moins antisémite. Il cultive autant qu’à l’Ouest l’antisémitisme d’état et celui porté par l'Eglise.
Ce dont on parle moins, ce sont les actes de vengeance des Juifs. L’histoire des pirates des Caraïbes à l’instar de Samuel Pallache à la fin du XV e et au début du XVI e siècle en est une illustration majeure. Courage, bravoure, espièglerie ont rendu certains Juifs célèbres pour leurs actions contre la flotte espagnole après l’expulsion de 1492. Ce fut un butin inestimable récupéré alors, l’équivalent de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Beaucoup plus tard, des résistants juifs décidèrent de se venger des nazis suite à la seconde guerre mondiale. Après quelques éliminations ciblées, ils décidèrent de laisser la justice s’occuper des bourreaux.
Au XVII e siècle, on trouve peu de faits marquants concernant la Palestine sous domination ottomane. Une région sans grand intérêt en somme. En France, en 1615, Louis XIII renouvelle l’expulsion des Juifs de France en signant les lettres patentes, l’un des 12 édits d’expulsion que la France a lancé contre les Juifs dans sa belle histoire.
En 1695, Hadrian Relandi, un hollandais cartographe, géographe et professeur de philosophie, effectue un voyage en Palestine. Son but est de recenser des lieux apparaissant dans la Bible. Il parle hébreu, arabe et grec. Il publie son ouvrage aux Editions Brodelet en 1714. Cet ouvrage fabuleux est consultable à l’Université de Haïfa.
Les principaux résultats de son étude montrent que la majorité des habitants de la région était concentrée sur les villes de Jérusalem, Akko, Safed, Yafo, Tibériade et Gaza. La présence juive était alors dominante avec des Chrétiens et peu de Musulmans qui étaient surtout des Bédouins. La grande majorité des localités porte un nom hébreu, quelques-unes ont un nom grec ou romain, et aucun en arabe. Les noms arabes viendront beaucoup plus tardivement. La plupart des villes sont juives sauf Nazareth qui est chrétienne et Naplouse qui est majoritairement musulmane. Gaza est moitié juive et moitié chrétienne. La population vit de l’agriculture en cultivant la vigne, l’olivier et le blé ainsi que de la pêche sur le lac de Tibériade alors très poissonneux.
La révolution française, les pogroms russes puis soviétiques et la Shoah allaient pousser à une remise en cause complète du statut des Juifs.
Enfin, rappelons à toutes fins utiles que ceux que l’on nommait Palestiniens jusqu’en 1948 n’étaient rien de plus que des Juifs habitant la Terre Sainte. Des timbres, des billets de banque et même le drapeau de la Palestine mandataire avec son étoile de David en attestent.
Interrogeons-nous donc sur l'histoire qui fut défaite et réécrite à plusieurs
occasions.
William Ouaki
Les 52 Rugissants
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