Depuis plusieurs mois, les Arabes israéliens sont la proie de gangs qui sévissent au sein de leur communauté. Le nombre de victimes ne cesse de s’accroître. On dénombre plus 170 morts depuis le début de l’année 2023. Les enquêtes ont été confiées à la police israélienne, mais en raison de la défiance de la population arabe à son égard et du peu de communication qui en résulte, cette dernière peine à enrayer ce phénomène qui menace à terme la stabilité du pays, car le Hezbollah et de l’Iran tirent les ficelles.
Les chiffres sont accablants, en 2021, près 125 personnes ont perdu la vie, victimes de gangs, dont soixante-deux avaient moins de 30 ans. Depuis le début de 2023, 95 membres de la communauté arabe ont perdu la vie ; 93 étaient de nationalité israélienne. Le décompte macabre se poursuit, puisqu’en quelques mois le nombre des victimes s’élève à 170.
Selon le porte-parole de la police israélienne, il s’agit d’incidents « criminels », de banals règlements de comptes. Elle reconnaît que ses moyens d’action sont limités, car elle se heurte au mur du silence des victimes de chantages, extorsions, kidnappings, qui se taisent par peur de représailles, mais aussi parce qu’un Arabe n’acceptera pas de dénoncer le fils d’un voisin, à un policier juif. Ce faisant, cette solidarité tribale, mais aussi la peur, encouragent le crime organisé.
Mais les récits qui parviennent à la presse sont saisissants et témoignent d’un problème beaucoup plus vaste, en lien avec la politique et les trafics qui alimentent certains groupes terroristes.
Un phénomène qui prend des proportions nationales, mais aux ramifications internationales
Les informations qui parviennent d’Israël, sont le plus souvent en lien avec la situation politique du pays et géopolitique de la région. Cette fois, on assiste à une criminalité d’un nouveau genre, puisque le pays est confronté à des meurtres à répétition perpétrés sur des membres de la communauté arabe israélienne.
Certains observateurs parlent ouvertement de la mise en place d’une « mafia », alors que les média évoquent un phénomène de gangs. Mais qui dit mafia, dit action politique. Et c’est bien de cela dont il s’agit, puisque derrière ces attaques et la constitution de ces gangs qui cherchent à imposer leur loi sur ces territoires et visent à s’emparer économiquement de ces territoires, se profile l’ombre du Hezbollah. De sources policières, déjà neuf gangs sévissent à partir des territoires, et possèdent des ramifications dans les villes arabes ou à populations mixtes en territoire israélien.
L’ombre du Hezbollah plane sur l’action des gangs
Depuis la fin de la guerre en Syrie, la contrebande s’est organisée à partir des territoires administrés par daesh et la Syrie est devenue la plaque tournante des trafics d’armes et de drogue. Le 12 juin 2023, les Jordaniens ont abattu un drone transportant de la drogue en provenance du voisin syrien. Et les autorités tentent, en vain de mettre un terme à l’activité de ces réseaux de contrebande.
En Israël, des gangs arabes se sont constitués et prospèrent grâce à ce trafic d’armes. De Syrie, les armes sont acheminées vers le sud Liban. Certains de ces stocks ont été abandonnés lors des affrontements avec le groupe islamique et ont été récupérés par les proxies de Téhéran et notamment le Hezbollah.
Mais le trafic de drogue est de loin l’activité la plus lucrative, comme le prouve l’un des rapports de la DEA[1] qui fait apparaître que la République d’Iran est complètement corrompue. Ses liens avec le crime organisé, le blanchiment d’argent et le trafic de drogue sont une source d’enrichissement pour le régime des mollahs.[2]
Ce dernier, et cela est un fait notoire, est depuis des décennies entre les mains du Hezbollah et s’organise à partir de la frontière nord d’Israël. En 2022, la police israélienne a identifié un certain Hatem Chit, habitant de Kfarkela, au sud du Liban. Ce dernier utilisait son domicile, près de la frontière, pour jeter la drogue et les armes depuis son balcon, par-dessus la clôture, pour être ramassées par des membres de gangs, du côté israélien.
Un autre Libanais, Hassan Sarini, a été désigné comme le responsable de la coordination de la contrebande à la frontière, avec Hatem Chit. Sarini est l’assistant d’un haut dirigeant du Hezbollah, Khalil Harb, affirmant que l’armée israélienne a démasqué récemment plusieurs réseaux de trafic de drogue et d’armes du Hezbollah, toujours dirigés par Khalil Harb.
Le Liban est un centre traditionnel de culture et d’exportation du hachich. Dans la plaine de la Bekaa, à l’est du Liban, dans le territoire contrôlé par le Hezbollah, 5000 hectares sont consacrés à sa culture et produisent environ 300 tonnes par an.
Jonathan Spyer, chercheur au Global Research in International Affairs Center, estime que le groupe terroriste allié de Téhéran retire 180 millions de dollars par an de ce commerce. La production est exportée vers l’Europe, mais désormais sur le territoire israélien.
Anthony Placido, de la DEA, lors d’une audition par le Ministère de la Justice américaine a affirmé : « Il est important de noter que les relations entre les trafiquants de drogue et certaines organisations islamistes comme le hezbollah ne sont pas une menace émergente. Leurs liens ont été remarqués à la fin des années 1980 et au début des années 1990. (…) Nombre de nos rapports indiquent que le produit de la cocaïne acheminée en Europe et au Moyen-Orient finit par atterrir dans les coffres de groupes islamiques radicaux comme le Hezbollah et le Hamas ».[3]
Mais derrière le trafic de drogue, et le Hezbollah, il y a l’Iran qui utilise le trafic de drogue comme une arme contre Israël. Omer Dostri, du Jerusalem Institute for Strategy and Security, n’hésite pas à parler de narco terrorisme[4] , car derrière ces trafics, il y a une volonté déstabilisatrice très marquée.
Objectif : déstabiliser à terme l’État hébreu et prendre le contrôle de la région
Pourrir le fruit de l’intérieur pour soumettre un ennemi est une stratégie vieille comme le monde, c’est l’une des stratégies du Hezbollah pour gangréner le territoire israélien, comme cela s’est produit au Liban.
Pendant de longs mois, le percement d’un tunnel à 70 mètres de profondeur dans le nord d’Israël, destiné à permettre aux membres de l’unité al-redouane, commando du Hezbollah, de pénétrer en territoire israélien. En creusant des tunnels dans le nord d’Israël. L’objectif affiché était de s’emparer de la Galilée.
Si les tunnels n’avaient pas été découverts, les cellules terroristes d’al-Redouane auraient aisément pu se frayer un chemin sous terre sans craindre les défenses à la frontière israélo-libanaise, qui comprennent notamment un arsenal de capteurs, une barrière et des falaises artificielles destinés à prévenir toute tentative d’incursion.
L’opération Bouclier du Nord en 2018 est venue contrarier les plans de conquête du Hezbollah. Une menace que l’organisation et son chef, Hassan Nasrallah, n’a eu de cesse de réitérer au cours de ces dernières années dans ses messages de propagande.
Par conséquent, le Hezbollah a choisi une autre stratégie, sur le modèle de la Mocro mafia aux Pays-Bas, avec laquelle les Gardiens de la Révolution entretiennent des relations. Cette dernière consiste à prendre le contrôle des communautés arabes par la violence en assassinant ceux qui refusent de se laisser embrigader. En instillant un climat de terreur. L’objectif est de créer une mafia, à la barbe des autorités israéliennes pour détruire le système économique israélien.
Coloniser le territoire en supplantant le modèle israélien
Pour blanchir les revenus issus du trafic de drogue et du trafic d’armes, les gangs qui obéissent déjà au Hezbollah et qui lui ont prêté allégeance, ont pris le contrôle des commerces et des entreprises de leurs villages et quartiers dans les grandes villes et noyautent ainsi le marché de l’emploi. Aussi, dénoncer l’action d’un gang revient à mettre le père ou le fils au chômage et à plonger la famille dans la pauvreté.
Les gangs se transforment en banquiers et cela est dû à l’absence de garanties et d’agences bancaires dans les villages arabes ont amené la population à se tourner vers les gangs. Ces derniers ont prêté de l’argent, souvent à des taux usuraires, blanchissant ainsi leurs revenus illicites mais contrôlant plus encore la population.
Les victimes sont des « insoumis », qui refusent ce système de corruption qui se met en place, et qui refusent de payer pour leur protection, mais aussi le « pizzo », qui frappe les commerçants les plus en vue, mais aussi les hommes politiques arabes qui pourraient faire obstacle à l’avancée du Hezbollah.
S’il est exact que la police se tend à se désengager de ce problème de criminalité, le gouvernement considère le phénomène bien autrement et a pris la mesure de la gravité de la situation, qui à terme risque de gripper l’économie israélienne, tout en créant sur le territoire un climat d’insécurité, avec des gangs qui s’approprient des quartiers entiers. Pour ce faire, le gouvernement de Bibi Netanyahu, a budgété en 2021, la somme d’un milliard de shekels, soit 282 millions d’euros, pour créer des commissariats dans les villes arabes et une unité spéciale dédiée à affaires de la communauté arabe. Mais il semble que le problème, soit désormais régional et criminel, puisque la Jordanie doit faire face au trafic de drogue et d’arme qui proviennent des anciennes places fortes tenues par Daesh.
Le trafic de drogue n’est pas un simple moyen de s’enrichir, c’est aussi une arme économique et idéologique et un moyen détourné de faire la guerre, en détruisant de l’intérieur les cibles visées.
Lea Raso Della Volta
[1] Drug Enforcement Administration [2] Narcoterrorism and the long Reach of U.S. Law Enforcement, 12 octobre 201, https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-112hhrg70664/html/CHRG-112hhrg70664.htm. [3] Statement of Anthony P. Placido, Assistant Administrator For Intelligence Drug Enforcement Administration. Department of Justice, https://www.justice.gov/d9/testimonies/witnesses/attachments/03/03/10//03-03-10-placido-transnatl-drug-enterprises-part2.pdf. [4] Dostri, O, Iran’s narco terrorism, https://jiss.org.il/en/dostri-irans-narco-terrorism-policy.
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