Dès l’attaque du Hamas survenue le 7 octobre dernier, a appelé Israël et les Palestiniens à « la retenue », craignant un embrasement de la région, qui apparaît de plus en plus comme une poudrière. Si le pays avait adopté une position qualifiée d’équilibriste, en raison de ses liens avec les deux parties, la Russie a choisi, par le biais de la milice Wagner de livrer des armes au Hezbollah, proxy de Teheran.
Depuis la chute de l’Union soviétique, la Russie joue à nouveau un rôle actif au Moyen-
Orient, en occupant le terrain, car elle a été – et elle est toujours - militairement, mais aussi
diplomatiquement présente au moment de la guerre de Syrie. Dès l’attaque du Hamas
survenue le 7 octobre 2023, elle a appelé Israël et les Palestiniens à « la retenue », invoquant
un risque d’embrasement de la région. Mais le 26 octobre, une délégation du Hamas a été
reçue à Moscou.
Pourtant, la Russie, depuis la chute de l’Union soviétique qui a repris pied au Moyen-Orient
s’affirmait comme l’une des alliées objective de l’Occident dans sa lutte contre Daesh.
La Fédération de Russie et la Russie de Vladimir Poutine ayant dû faire face à des attaques
terroristes islamistes en lien avec des conflits régionaux. Au cours de l’année 1999, le pays a
été la cible de violents attentats, dans le cœur même de la vieille Russie, mais aussi au
Daghestan, à Vogodonsk. L’événement le plus marquant a sans doute été la prise d’otages du théâtre de Moscou, qui a duré trois jours, du 23 au 26 octobre 2002, où 912 spectateurs
avaient été retenus.
La revendication des terroristes portait sur le départ des troupes russes de Tchétchénie et la finde la seconde guerre de Tchétchénie. Au matin du quatrième jour de la prise d’otages,
les forces spéciales russes sont intervenues en injectant un gaz incapacitant dans le système
les systèmes d’évacuation d’air avant de donner l’assaut et de tuer la totalité des terroristes.
Mais 128 otages ont perdu la vie au cours de cet événement.
La Russie a donc la mémoire du terrorisme sur son territoire, mais aussi pendant la guerre
d’Afghanistan, contre les hommes du commandant Massoud en Afghanistan et in fine contre
Daesh en Syrie.
Autant de traumatismes qui auraient pu rapprocher Moscou de Washington, puisque Moscou
entendait participer à la lutte anti-terroriste et éviter toute déstabilisation à la fois de l’Asie
centrale, son « étranger proche » et du Moyen-Orient.
Mais depuis lors, la guerre en Ukraine et l’émergence des BRICS et du Sud global, ont opéré
une scission avec le bloc occidental, qui rappelle la partition du monde au moment de la
Guerre froide.
Le discours identitaire de Moscou
Moscou a fait valoir son aura stratégique au Moyen-Orient, à commencer par son farouche
attachement au respect des identités nationales et à l’ordre étatique au Moyen-Orient, comme l’a prouvé son engagement dans le conflit syrien. Ce discours identitaire ainsi que le rejet de l’interventionnisme ont pu séduire la rue arabe. Sa participation à la défense de la Syrie trouveune explication dans la défense des minorités chrétiennes en Orient ; et en cela, la Russie de Poutine ne fait que suivre une ligne déjà tracée, depuis l’Empire des Tsars, mais elle a aussi une volonté d’affirmer son leadership, au même titre que la Turquie. Enfin, elle entend bien ne pas laisser la Chine s’imposer comme la grande puissance au sein de ce nouveau groupe de pays qui constituent les BRICS. Ainsi, la Russie a fait coup double dans le conflit en Syrie en structurant une nouvelle entente anti-occidentale.
Parmi les pays des BRICs, il en est un avec lequel, Moscou entretient des liens étroits : l’Iran,
lui aussi marginalisé au Moyen-Orient dans les années 1990. Ce partenariat n’a cessé de
s’amplifier au fil des décennies. Quant à sa position vis-vis d’Israël, elle est des plus
complexes, car des divergences existent, et ce malgré les liens amicaux et anciens entre
Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahu.
Si les relations entre les deux pays, ont été cordiales, dès la création d’Israël, ce n’est plus le
cas, depuis la guerre des Six jours.
Un jeu ambigu à l’égard d’Israël
Jusqu'à la fin, en 1991, l'Union soviétique n’a cessé d’aider économiquement les États arabes
et leur envoyer ses armes les plus récentes et des milliers de spécialistes militaires. Et bien
que Moscou n'ait jamais déclaré ouvertement la guerre à Israël, les soldats des deux pays se
sont rencontrés sur le champ de bataille à plus d'une occasion.
Au cours de la Guerre (1967-1970), l'armée de l'air égyptienne s'est montrée absolument
impuissante. Mise en grande difficulté par l’aviation israélienne, elle n’a pas été en mesure de
protéger des bombardements ses sites énergétiques et industriels. L’URSS ne pouvait pas
abandonner son allié et a pris entre ses mains la défense du ciel égyptien, en s’efforçant de
cacher son implication directe dans le conflit.
Au début, les MIG-21 soviétiques et les chasseurs israéliens Phantom et Mirage évitaient les
affrontements directs en se scrutant à distance. Cependant, lorsque les Soviétiques ont attaqué et endommagé un avion d’attaque Skyhawk, Tsahal a décidé de mener l'opération Rimon 20,
qui fut l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire de l'aviation soviétique après
la Seconde Guerre mondiale.
La consolidation de l’axe Moscou-Téhéran
La Russie qui, à l’instar d’autres pays des BRICS applique une diplomatie ouverte, n’a cessé
d’être l’alliée des pays arabes, elle entretient une frontière commune avec Israël, en
Syrie, ce qui incite Israël à entretenir des relations cordiales avec la Russie. L’État hébreu ne
souhaitant pas que cette partie de la Syrie passe aux mains de l’Iran, ni même de son proxy, le Hezbollah.
Le récent voyage officiel de Vladimir Poutine en Chine et la visite du président nord-Coréen
ont marqué un tournant dans l’implication de Moscou au Moyen-Orient. La Russie qui est
rentrée dans une économie de guerre, se trouve dépendante de ces deux alliés et néanmoins
rivaux sur la scène internationale.
La Chine, bien qu’ayant des intérêts économiques en Israël, s’est déclarée proche du Hamas,
ce qui, en filigrane, relie l’attaque à l’Iran. La raison de cette volte-face, tient en un mot :
BRICS et à la dernière médiation de la Chine en faveur d’un rapprochement entre Teheran et
Riyad.
La Chine souhaitant s’investir diplomatiquement parmi les pays du Sud global en réaffirmant
l’appartenance de son pays à ce groupe de pays du tiers-monde. Ainsi, en juin 2022, la
République populaire de Chine a organisé un « Dialogue de haut niveau sur le développement mondial » et lors de son discours inaugural, Xi Jinping a rappelé que « la Chine est depuis toujours membre de la grande famille des pays en développement ». Face à ces derniers, et alors même qu’elle se présente comme une puissance rivale des États-Unis, la Chine se positionne comme un autre modèle, voire une alternative à la modernisation imposée par l’Occident.
Cette nouvelle diplomatie chinoise l’éloigne d’Israël, perçu comme un avant-poste de
l’Occident au Moyen-Orient. D’autant que les accords d’Abraham auraient exclu l’allié et
partenaire iranien de la Chine, et par là même, mis un bémol à l’influence chinoise dans la
région, dont l’ambiance est de recréer des routes de la soie.
Quant à Moscou, le rapprochement avec Téhéran, ennemi principal de Tel-Aviv s’est
intensifié dès le début de la guerre en Ukraine. Les Iraniens ont livré des drones
kamikazes Shahed-136 pour bombarder Kiev. Ce qui a incité l’Ukraine à réitérer sa demande
à Israël de lui fournir un système de défense aériens comme le « Dôme de Fer », citant le
danger posé par les drones et missiles balistiques iraniens.
En réaction, l’ancien président russe Dimitri Medvedev met en garde l’État hébreu contre le
risque d’une « destruction de toutes leurs relations inter-étatiques » bilatérales si Israël
répondait à la demande ukrainienne. C’est désormais chose faite, puisque par le biais de la
milice Wagner, Moscou va fournir des armes au Hezbollah présent dans le sud Liban
Moscou a tout intérêt à multiplier les fronts et faire oublier sa présence en Ukraine. Et de fait,
l’attention des médias est concentrée sur la guerre au Moyen-Orient. D’autre part, elle a misé
sur le fait que les États-Unis pourraient accorder une aide de moindre importance à l’Ukraine.
Ce qui n’est pas exact, car les États-Unis possèdent non seulement la plus grande armée au
monde, mais un budget défense pour 2024 de 842 milliards de dollars (Mds$) pour le DoD
(US Department Of Defense), soit 69 Mds$ de plus que la requête pour 2023 (+ 3,2%). Au
total, en incluant les dépenses du Département de l’énergie pour l’arsenal nucléaire, les
dépenses de défense avoisineraient les 886 Mds$.
Vladimir Poutine a donc tout intérêt à ce que la situation au Moyen-Orient perdure et se
détériore, car cette situation explosive, sert sa stratégie en Ukraine. Car In fine, elle aspire à
détrôner les États-Unis, de position de leader au Moyen-Orient et détruire l’Union
européenne.
Lea Raso Della Volta
2 Vacher, P, « Téhéran à la rescousse de Moscou en Ukraine » in : L’Orient-Le Jour, 17
octobre
(Moscou Teheran)
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