Eshkol Nevo vient de publier son cinquième opus intitulé « Turbulences ». Il y sonde la humaine et ses secrets et mène le lecteur vers des chemins glissants, où la vérité est parfois difficile à entendre.
Le film Alejandro González Iñárritu, « Babel » s’annonçait ennuyeux, décousu, sans véritable trame et pourtant au fil des scènes, il captivait les spectateurs qui prenaient alors conscience que « Babel », ne se limitait pas au langage, mais qu’il s’ingéniait à croiser les destins d’inconnus. Ce qui vient étayer la théorie des cordes, du physicien italo-israélien, Gabriele Veneziano.
« Babel », est un histoire d’apparence simple, où un couple en crise, à la dérive à la suite du décès de l’un de leurs enfants, décide de faire un voyage dans l’Atlas marocain pour se retrouver. Mais au cours d’une excursion, un coup de feu vient modifier le cours des événements. L’épouse est gravement blessée et son mari va tout faire pour tenter de la sauver. Babel entraîne le spectateur du Maroc, au Japon et aux États-Unis
Les événements vont peu à peu se conjuguer pour donner un sens en abyme au film. Le titre « Babel » prend tout son sens et révèle de quelle manière un fait divers dans le désert marocain peut être connecté à un événement qui a lieu au Japon.
Des histoires d’amours faites de « turbulences »
Eshkol Nevo a repris cette trame, où tout s’enchaîne, mais parfois dans les pires situations, avec trois histoires d’amour chaotiques. La première relate comment le voyage de noce de Ronen et de Mor, en Bolivie, va tourner au cauchemar après la mort de Ronen. De retour en Israël, Omri, avec lequel Mor avait noué des liens au cours de son périple andin, va être malgré lui suspecté de meurtre et pris dans un imbroglio cauchemardesque.
Le docteur Caro, grand ponte de l’hôpital de Tel Aviv, vient de perdre Niva, son épouse. Il éprouve un besoin irrépressible de protéger une jeune interne, Liat, mais un geste dévié, l’entraînera malgré lui dans une affaire où il sera soupçonné de harcèlement. Il apprendra grâce à un test ADN que Liat n’est autre que sa fille. Il recevra une photo de Liat, en Bolivie, où elle a décidé d’exercer la médecine auprès des populations autochtones.
Dans le Verger ou Pardès, une femme, chaque shabbat, se rend avec son époux, en périphérie de la ville, dans un verger. Mais un jour, elle perd définitivement sa trace. L’enquête de police ne mènera nulle part, sauf à soupçonner l’intéressée de s’être débarrassée de son époux.
Les trois histoires se répondent tel un canon de Pachelbel. Liat, qui lit le fait divers qui relate la mort de Ronen en Bolivie, décide de rompre avec la réalité israélienne pour y exercer la médecine. Dans le troisième récit, le docteur Caro livrera son diagnostic à l’issue de la chute du fils qui ne supporte pas l’absence de son père.
Tout s’imbrique, jusqu’à la musique choisie par les héros de ces trois récits, en fonction de leurs états d’âme. Des airs qui vont du classique à la pop américaine ou israélienne et qui, à la manière d’un film, viennent donner de la profondeur aux scènes qui se succèdent et livrent leurs lots de surprises.
Car Eshkol Nevo se plaît à explorer les méandres de l’âme humaine, ce qui nous rappelle qu’il est le fils de deux chercheurs en psychologie de l’Université de Haïfa et qu’il enseigne lui-même cette discipline : « J’avais sept ans quand j’ai entendu parler des trois étages de Freud, la structure était dans ma tête. Je voulais surtout parler des conflits qui nous traversent entre désirs, attentes et réalité et puis des secrets que nous brûlons de confesser ».
La dernière histoire : une fable kabbalistique
Le Pardès qui n’est autre que l’acronyme de Pshat, Remesh, Derash, Sod. L’auteur nous rappelle cette anecdote philosophique et mystique qui trouve son explication dans le Pardes Rimonim de Moïse Cordovero.
Les quatre degrés du Pardès correspondent aux quatre rabbanim : Rabbi Elisha ben Abouya, Rabbi Shimon ben Azzaï, Rabbi Shimon ben Zoma et Rabbi Akiva qui pénétrèrent dans le verger, les "niveaux" respectifs du sens des Textes. Aucun n’en sortira véritablement indemne, sauf rabbi Akiva, qui parviendra à s’en extraire. Néanmoins, sa fin sera tragique.
C’est ce cheminement que l’héroïne va emprunter pour connaître la vérité sur la disparition de son époux, Ofer. Elle parviendra dans le verger à trouver la clé, la porte d’entrée par laquelle son mari s’est introduit, qui n’est autre qu’une Rave Party d’un genre un peu spécial, mais qui la conduira à cette connaissance. C’est une DJ qui n’est autre que l’Eternel, qui lui donnera la clé de la disparition de son époux. Mais en sortira-t-elle indemne ?
Lea Della Volta
Un monde plein de « turbulences »
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